Pour ceux d’entre nous qui ont travaillé à Paris, certains se souviennent peut-être d’une disposition que nous avions et qui m’a laissé un très bon souvenir : « la formation à la demande de l’agent ». Pour ceux qui ne connaissent pas possibilité qui nous était offerte voici ce dont il s’agissait : tout employé permanent pouvait faire une demande de formation dans un domaine de son choix, qui après approbation conjointe par le CE et la Direction, était financée par SITA. Par ailleurs les approbations s’obtenaient plus facilement si nous prenions cette formation sur notre temps personnel (congés, week-ends). Certes il y a eu quelques demandes fantaisistes (une demande de formation de pompiste ou mécanicien, je ne me souviens plus très bien) ou qui avaient un côté « farniente » (stage d’anglais en immersion dans le Lubéron par exemple) mais dans l’ensemble le dispositif a me semble-t-il bien fonctionné et à ma connaissance cette disposition était vraiment spécifique à la SITA.
J’ai utilisé cette possibilité qui m’a été je pense très utile et en voici un exemple. J’ai suivi une formation en PNL (Programmation Neuro-Linguistique), une approche en psychologie du changement, basée sur la communication et l’utilisation des ressources personnelles inconscientes. Voici mon histoire.
Contexte : nous sommes en 1985. Je viens d’être muté à Sophia Antipolis pour diriger le service Recherche et Développement Réseau (une dizaine d’ingénieurs) et mener à bien un gros projet : préparer l’appel d’offres pour un nouveau réseau (qui sera dénommé MTN) et la stratégie de migration vers ce nouveau réseau ; ce projet est vital pour SITA et nous avons 6 mois pour le mener à bien. Donc beaucoup de travail et de stress, s’ajoutant au fait que toute l’équipe est mutée depuis Paris (dans un premier temps les conjoints étant restés à Paris).
A Paris je venais de terminer ma formation en PNL (Maître Praticien) et passer avec succès l’examen. Me restait le mémoire à écrire, que voici…. !
Préambule : dans mon équipe, il y a une jeune femme, M., très douée dans son travail, intelligente et sympathique. Le soir après le travail et avant de regagner notre résidence, nous allons parfois en groupe à la plage d’Antibes nous baigner, après une longue journée et à une heure ou les touristes étant déjà partis, la plage est déserte et la mer très calme car la brise est tombée. Un moment très agréable.
Je découvre que M. n’ose pas se baigner, et surpris, je lui demande pourquoi. M. m’explique que depuis son enfance elle a peur de l’eau et ne peux pas s’y baigner, ne sachant pas nager par ailleurs. Fort de mon savoir nouvellement acquis en PNL, et de mon enthousiasme, je lui propose de travailler avec elle sur ce problème qui par ailleurs la gêne. Une bonne confiance règne entre nous (j’avais recruté M. six mois auparavant, mais à l’époque le poste était à Paris !) et j’ai été convaincant : M. accepte et rendez-vous est pris pour le samedi suivant pour une séance de PNL. Comme la résidence ou nous sommes logés à Antibes comporte une piscine, je me dis que c’est une bonne idée de s’y retrouver en maillot de bain car j’ai dans la tête que nous pourrons faire un test tout de go après la séance (j’avais donc fait, plus ou moins consciemment, la présomptueuse présupposition qu’une séance suffirait à atteindre des résultats significatifs !). Nous prenons donc rendez-vous pour un samedi matin à la piscine de la résidence, confortablement vers 10 heures du matin.
La séance de PNL : samedi matin, après une semaine de travail bien chargée, je me rends à la piscine, un peu avant l’heure du rendez-vous ; tout parait en ordre ; il y a des tables et des chaises et il n’y a personne (nous sommes déjà en septembre, après la rentrée scolaire, et la plupart des touristes sont déjà partis).
M. arrive. Surprise : elle n’est pas seule, un homme l’accompagne. Présentations faites, j’apprends que c’est son mari (bien sur j’aurais dû y penser : je savais qu’elle était mariée, et comme moi basée en région parisienne, donc son mari la rejoint à Antibes pour le week-end). Je me présente et lui explique rapidement que nous avons convenu d’une séance de PNL, une approche de psychologie basée sur les processus d’apprentissage et d’utilisation des ressources de l’inconscient. Je lui indique qu’il peut rester là sans problème. Il est également, ingénieur spécialiste des algorithmes de sécurité informatique. Nous discutons brièvement de travail, et il s’installe sur une chaise longue et se met à lire une bande dessinée pour enfants !
Je sens son regard son regard soupçonneux (peut-être, me dis-je, il se demande ce que nous faisons en semaine quand il n’est là) et je suis un peu crispé par cette présence imprévue (pour moi). Au vu de ses lectures pas très culturelles, je me dis qu’il est inutile que je lui explique davantage en quoi consiste la PNL, et je me tourne vers M.
J’invite M. à s’installer confortablement et se détendre. Je lui demande si nous pouvons commencer et M. acquiesce. J’utilise une technique pour installer un état de confiance en soi, sous l’œil soupçonneux du mari, qui doit se demander pourquoi je touche le bras de sa jeune épouse (c’est une technique de PNL) et me tiens proche d’elle.
Ensuite M. m’expose son problème de peur de l’eau et me raconte un souvenir d’enfance, où une fois au bord de mer au L., et tournant le dos à la mer elle a été surprise par une vague qui l’a renversée, lui a fait boire la tasse et l’a fait suffoquer. Ses parents lui ont porté aide immédiatement mais M. a été choquée par cet incident survenu promptement et d’une manière totalement inattendue pour elle, alors enfant d’environs huit ans. Depuis elle a conçu une peur de l’eau et ne peut y pénétrer que si elle est assurée d’avoir pied et que l’eau ne dépasse pas à la hauteur des genoux. Je réalise que cet incident est survenu dans un contexte ou la guerre civile faisait rage dans son pays (M. n’était pas française) et donc suscitait une anxiété assez généralisée parmi la population. Cette peur de l’eau s’est ancrée en M. qui n’a donc jamais appris à nager.
J’observe que M. est un peu agitée et tendue, mais je mets cela sur le compte de ce souvenir qui l’a traumatisée, ainsi qu’éventuellement sur une nervosité due à la présence de son mari qui nous observe toujours l’air de rien, sans pouvoir entendre ce que nous disons.
J’opte ensuite pour une technique de PNL qui se déroule bien. Je note néanmoins qu’une certaine nervosité physique persiste, que je mets de nouveau sur le compte du vécu de M. et de la présence de son mari. Moi-même je suis un peu fébrile de cette première expérience en dehors du contexte de formation.
Je teste ensuite la réaction de M. vis-à-vis de l’eau d’abord en lui demandant d’imaginer qu’elle descend dans le bassin de la piscine, ce que M. fait volontiers. Elle se sent bien mieux mais néanmoins une petite gêne persiste. J’invite ensuite M. à pénétrer effectivement dans la piscine. M. le fait doucement et note elle-même un progrès significatif : elle peut maintenant avancer jusqu’à avoir de l’eau au niveau du cou, alors qu’avant elle ne pouvait aller au-delà d’un point ou l’eau lui arrivait au niveau des genoux. Je complimente M. pour ce progrès accompli. Je lui propose ensuite avec mon aide (en lui tenant la main) et une bouée de tester sa capacité d’être dans l’eau sans avoir pied. Mais c’est trop tôt pour M. et elle ne souhaite pas tenter l’expérience. M. est maintenant fatiguée et nous arrêtons là la séance de PNL.
Je demande ensuite à M. un retour d’information sur la manière dont la séance s’est passée pour elle. M. me donne un feedback positif. J’élucide avec elle la raison de sa fébrilité et ayant vérifié qu’elle n’était pas lié au travail effectué, nous arrêtons là la séance. Je prends ensuite congé de M. qui rejoint son mari.
Ensuite nous n’avons plus reparlé, M. et moi, de cette séance ni ce week-end ni les semaines qui ont suivi et pendant lesquelles nous avons été très pris par le travail et le stress de terminer à temps l’appel d’offres du MTN. M. a dû ensuite repartir à Paris puis a quitté la SITA et je n’ai plus eu de ses nouvelles. Les circonstances n’ont donc pas permis de réaliser d’autres séances de PNL. Néanmoins je restais curieux du résultat de cette séance unique.
Epilogue : une bonne année est passée et je suis moi aussi rentré à Paris (vie de famille oblige) pour prendre d’autres fonctions, après l’achèvement avec succès du cahier d’appel d’offres du MTN et la spécification de la stratégie de migration. Je suis à mon bureau, le téléphone sonne et surprise c’est M. qui m’appelle et avant que je ne lui demande elle m’annonce avec un plaisir évident qu’elle a pris récemment des leçons de natation et qu’elle évolue sans panique dans le bassin sans avoir besoin d’avoir pied pour se sentir en sécurité. Cette nouvelle me fait évidemment énormément plaisir, et je réalise que M. avait sans doute besoin de plus de temps que je n’avais imaginé (une séance !) pour terminer ce travail de prise de confiance en elle et surmonter sa peur de l’eau. En réponse à mes questions M. m’a confirmé que cette évolution s’était déroulée naturellement, sans autre intervention thérapeutique. Professionnellement, l’évolution de sa carrière était également positive et elle devait prochainement prendre un poste de direction dans l’entreprise de consultance qu’elle avait rejoint. D’ailleurs à ce propos elle m’appelait car elle devait faire une présentation importante devant un parterre de collègues et collaborateurs, comme préalable à son intronisation en tant que directrice d’une équipe de consultants. Elle souhaitait une séance de PNL pour se préparer à cette présentation importante pour sa carrière. M. est maintenant convaincue du bienfait que peut lui apporter une séance de PNL, et elle a un esprit très pratique et décidé. Etant moi-même très pris à cette époque, à la fois professionnellement et dans ma vie privée, j’ai orienté M. vers une autre personne, que j’avais connue lors de ma formation en PNL, et en qui j’avais toute confiance. J’ai appris par la suite que la présentation de M. s’était bien passée et qu’elle avait obtenu le poste qu’on lui avait fait espérer. Le fait qu’elle se soit adressée à moi pour cette demande me confirmait qu’au final elle avait été très satisfaite des résultats de la première intervention (qui était aussi une première pour moi !).
Conclusion : Ce dénouement m’a laissé songeur : le métier d’ingénieur en télécommunications et la psychologie sont deux domaines bien différents et les deux venaient de me donner satisfaction. Je suis resté ingénieur, mais ai conservé mon intérêt pour la psychologie jusqu’à aujourd’hui : il y a décidément beaucoup de mondes différents à découvrir et de chemins différents que nous pouvons emprunter pour mener notre vie.
Jean Michel Kaliszewski
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About Jean-Michel Kaliszewski
I joined SITA Paris in June 1978 as an engineer in the Technical Studies department which was then managed by Georges Giraudbit. After developping planning tools for the HLN and later the DTN, I led the design and implementation of the new routing algorithm of the DTN. Later my team delivered the strategy and specification for migrating the network from airline specific protocols to open standards, and whichalso served for the RFP for the MTN. After working on developing projects for non-airline customers, I moved to SITA Geneva in 1999, in marketing and later fiance departments. In 2004 i left SITA to join IATA in Geneva. With IATA I first worked on launching and developing a new business based on providing credit card payment services to travel agencies. Then I moved to IT, in charge of all data management for successfully.implementing SAP at IATA. Once that project was over I joined the Cargo department at IATA, in charge of Technical developments. Having worked both at SITA and IATA has been a very unique experience for me!